Le monde est-il compréhensible ?
Autrement dit : vivons nous dans un monde régit par des règles, des lois physiques ? On dit souvent que la science essaie de percer les mystères de la nature. Mais cette dernière n'est-elle pas simplement aléatoire ? Et quand bien même de telles lois existeraient, seraient-elles accessibles à des cerveaux qui y sont intrinsèquement soumis ?

1. La compression algorithmique des informations

Nous percevons le monde par les informations fournies par nos sens. Le flot d'information est gigantesque et il est impossible, pour notre cerveau de faire un stoquage brut de tout ce qu'il reçoit dans une vie.
On retient mieux ce que l'on «comprend». Plus on établit de liens entre les choses et plus on s'en souvient facilement. Les grands maîtres d'echec sont capables de jouer des parties les yeux bandés. On dit qu'ils mémorisent l'échiquier. Cependant, si on leur demande de mémoriser des positions de pièces qui ne correspondent à aucune situation réèlle de jeu, ils se trompent plus souvent.
Tout se passe comme si le cerveau compressait l'information. Pour cela il invente des règles qui permettent de réconstituer l'information. Essayez de regarder quelques secondes chaque dessin ci-contre puis de les dessiner sans modèle.
Ils possèdent chacun 8 cercles jaunes et pourtant le second paraît bien plus simple à mémoriser.
C'est parce que pour le second, le cerveau peut imaginer un algorithme simple qui permet de redessiner le tout. L'algorithme permet de compresser l'information. Plus l'information est cahotique et moins il est facile de la compresser. Tiens, mais que signifie cahotique au juste ?
Si notre cerveau est un compresseur d'information, il faut donc définir toute nouvelle notion sur cette base. Ainsi, on pourra dire qu'une information est plus cahotique qu'une autre si on arrive moins bien à la compresser. C'est-à-dire si les algorithmes trouvés pour la définir sont plus complexes que ceux trouvés pour l'autre information.
La notion de complexité algorithmique fait intervenir deux notions : la taille de l'algorithme et le temps qu'il lui faut pour reconstruire l'information.
La rétine n'est pas homogène : elle possède une zone aveugle qui correspond à la jonction du nerf optique. On pourrait donc s'attendre à voir en permanence un point noir dans notre champ de vision. Mais il n'en est rien car le cerveau applique un algorithme pour réconstituer l'information manquante.
Regardez le dessin suivant. Le pont n'est pas complet, mais si vous fermez votre oeil droit, que vous regardez le point bleu avec votre oeil gauche et que vous vous approchez lentement du dessin, vous verrez tour à tour seulement la partie droite du pont, puis le pont entier et enfin seulement la partie gauche.
Les algorithmes sont donc capables de créer de l'information par extrapolation de l'existant. Par exemple, un chien est capable d'attrapper au vol un morceau de viande qu'on lui lance car ses algorithmes lui permettent d'anticiper la position de la viande et de calibrer le saut qu'il doit effectuer pour l'intercepter.

2. Quel algorithme régit le monde ?

Si le monde est régit par des règles, il peut être entièrement décrit par un algorithme. Si nos physiciens arrivent à leurs fins et découvrent cet algorithme, alors ils pourront tout décrire et donc tout prévoir, non ?
Pas forcément et pour plusieurs raisons :
Dans ces conditions, l'existence et la découverte des lois régissant le monde ne nous serviraient à rien. Ces deux restrictions ne viennent pas tant de la capacité du cerveau lui-même que du fait que pour dérouler l'algorithme, il faut utiliser les règles en vigueur et donc l'algorithme lui même. Qu'en est-il d'un algorithme qui s'exécute lui-même ? Peut-on seulement le concevoir ?
Nous pourrions essayer de simuler cela en tentant de créer un algorithme qui fait évoluer un monde initialement aléatoire passe après passe. Dans ce monde, on aurait des êtres capables de créer des algorithmes leurs permettant de «comprendre» leur environnement.
La question qui se pose immédiatement est : comment va-t-on identifier ces êtres ?
Si l'algorithme général traite le monde de façon uniforme, alors est-il possible d'isoler certaines regions de l'espace et leur donner une identité ? Et comment ces régions pourraient-elles s'identifier elles-mêmes comme c'est le cas pour nous qui nous sentons tous distincts de nos voisins.
Il est pourtant indispensable de les identifier pour voir s'ils peuvent comprendre leur environnement.
Essayons de trouver un critère permettant de mettre en évidence des identités. On pourrait, par exemple décréter :
On peut rapprocher cette question au problème de reconnaissance de forme. Comment distingue-t-on des formes dans une image ?
A poursuivre...
Le monde est-il compréhensible ?
15 mai 2013
Sommaire général